La pyrale de buis desormais présente dans le Lot

Mardi 19 mai 2015, par Tineke Aarts // 109. Associations et organisations lotoises : sciences (Carrefour des Sciences), protection de l’environnement (GADEL, ASPAS, Cercle de Gindou etc..), presse indépendante (Lot en Action) etc...

Article par Marc Esslinger et Tineke Aarts, groupe « papillons » de la LPO Lot.

Renseignements pris elle avait acheté 10 petits pieds de buis à un pépiniériste lotois il y a deux ans. Le pépiniériste contacté m’a confirmé que plusieurs de ses clients, en Dordogne, dans le Lot et en Corrèze l’avait appelé, dès 2014 pour lutter contre des chenilles dévoreuses de buis. Les buis vendus avaient eux-mêmes été importés des Pays-Bas…

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Buis ravagé à Gourdon (Photo M. Esslinger)

Bien sûr rien ne prouve que les plants aient été « infectés » aux Pays-Bas où ils surveillent l’espèce depuis 2008, ni même chez le pépiniériste lotois. Mais nous voici quand même avec une nouvelle espèce, pas très locale et très probablement introduite grâce à l’irrépressible nomadisme du buis commercialisé !

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Papillon Pyrale de buis (Photo M. Esslinger)

D’après la base de données en ligne de l’OEPP (Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes), l’espèce est présente en Chine, Japon et Corée du Sud (pays d’origine). Elle a également été signalée dans l’Extrême Orient russe et en Inde.

Mais elle est à présent aussi bien installée très loin de son aire d’origine : Turquie, Sud de la Russie, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Roumanie, Slovénie, Suisse, Angleterre, etc. Et la liste des pays colonisés ne cesse d’augmenter d’année en année.

Elle a été signalée en Allemagne dès 2007. Les premiers cas français ont été notés en Alsace en 2008. Le pourtour méditerranéen a suivi assez rapidement et l’espèce est présente maintenant sur au moins 60 départements français.

Introduction par le commerce

Selon le CABI (Centre for Agricultural Bioscience International), l’espèce progresse annuellement de 7 à 10 km par an. Elle est en effet bonne voilière. Mais sa dispersion très rapide en Europe n’est pas seulement du à ses capacités voilières ni à sa fécondité (190 à 790 œufs par femelle et 2 ou 3 générations par an selon le Centre INRA de PACA) mais au commerce et aux échanges de plants de buis !

Autrement dit les jardineries, pépiniéristes, grossistes et jardiniers amateurs dispersent l’espèce (au stade œuf) sans s’en rendre compte… bien plus vite qu’elle ne le ferait elle-même.

A la belle saison, le cycle complet du papillon (œuf, chenille, chrysalide, imago) est réalisé en une trentaine de jours. Les œufs sont déposés par groupes de 5 à 20 sous les feuilles de la plante hôte.

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Chenille Pyrale de buis (Photo M. Esslinger)

Toujours selon le CABI, ce sont les larves au stade 3 (il y a 5 à 7 stades larvaires chez cette espèce) qui hivernent, bien à l’abri dans un cocon de soie. Dans leurs pays d’origine, l’espèce traverse des hivers rigoureux (-30°C) sans sembler en souffrir outre-mesure !

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Chrysalide Pyrale de buis (Photo M. Esslinger)

Cet article a été rédigé pour alerter les jardiniers lotois de la présence de cette nouvelle espèce. Les moyens de lutte sont divers (notamment avec la pulvérisation du Bacille de Thuringe).

Il existe aussi des pièges à phéromones pour les adultes et même des filets de protection pour les buis de taille réduite. Mais toutes les luttes ont eu très peu d’effets dans des zones où l’espèce est déjà présente.

Qu’arrivera-t-il quand l’espèce atteindra les landes à buis qui bordent les vallées du Célé, du Lot ou de la Dordogne. Que se passera-t-il quand les milliers d’hectares de buxaies quercynoises seront colonisées ?

En Alsace d’importants dégâts sur des forêts de buis ont été constatés par la Société Alsacienne d’Entomologie : plusieurs hectares entièrement défoliés, voire écorcés ! Et le même constat a été fait en Suisse ou dans le Jura.

L’art topiaire est aussi en danger, les sculptures et labyrinthe de buis des châteaux et belles demeures visitées par le public sont aussi en danger… Dans leur patrie d’origine les chenilles consomment aussi des plantes du genre Ilex (Houx) et Euonymus (Fusains).

Les lois naturelles

Il reste à espérer que la Pyrale du buis, qui fait désormais partie du décor lotois, sera, comme la plupart des espèces invasives soumise aux mêmes lois naturelles : l’introduction est suivie d’une forte explosion des populations, mais en quelques années celles-ci se stabilisent et décroissent même parfois, jusqu’à atteindre des seuils acceptables…

Maintien de l’intégrité de nos écosystèmes

Avec la mondialisation, l’arrivée régulière de nouvelles espèces invasives est inévitable. Lorsque les écosystèmes sont riches et diversifiés, les nouveaux venus ne peuvent pas prendre une place prépondérante, la concurrence et la prédation limitent les effets de leur introduction : au lieu de s’évertuer à lutter contre les nouvelles venues, nous devrions plutôt concentrer nos efforts sur le maintien de l’intégrité de nos écosystèmes.

Ironie du sort, le très décrié Frelon asiatique (Vespa velutina) introduit lui aussi il y a peu en France est un prédateur avéré de la Pyrale du Buis !

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